Une demandeuse d’asile qui change le monde dans le quartier Saint-Michel

Inclusion sociale
5 mars 2024 •  Par Centraide
Personne qui traverse la rue

Mai 2008. Mariana ouvre les yeux. Elle se trouve à l’hôpital. Elle vient de frôler la mort après que son mari l’a battue violemment. Son fœtus de sept mois aussi. Dès que les médecins lui donnent l’autorisation de prendre l’avion, la femme quitte son Mexique natal et demande l’asile au Canada, accompagnée de son fils de six ans.


C’est ainsi que Mariana est arrivée à Montréal, sans rien, il y a 15 ans. Hispanophone, elle arrive à se débrouiller en anglais, mais ne parle pas un mot en français. Or, cette langue représente une porte d’entrée vers le marché du travail.

« En 2008, les demandeurs d’asile n’avaient pas le droit au permis de travail, au permis d’études ni aux subventions pour les garderies, explique Mariana. Je ne pouvais rien faire! Je ne pouvais pas aller mener mes enfants dans un milieu de garde pour apprendre le français. »

Heureusement, la Mexicaine est rapidement référée vers un organisme communautaire, Accueil aux immigrants de l’est de Montréal, qui lui offre des services en espagnol. « Je me souviendrai toujours des deux femmes qui m’ont accueillie, raconte Mariana. L’une d’elles s’appelait Zuleyma. Elle m’a invitée à des ateliers pour les victimes de violence conjugale. » L’organisme offre aussi une halte-garderie, ce qui permet à la jeune mère d’entamer sa francisation, à raison de deux fois par semaine.

Monoparentale et immigrante : des défis importants

« Quand je suis arrivée au Québec, la situation était très difficile, confie la cheffe de famille. D’abord, je ressentais de la culpabilité d’avoir éloigné mes enfants de leur père. Puis, mon aîné avait du mal à s’adapter. Il me disait souvent que ‘ce n’était pas une bonne idée d’être venus au Canada’. »

Mariana parle également des enjeux quotidiens d’une mère monoparentale et immigrante, sans réseau. « Je me rappelle une fois où j’étais partie chercher les paniers alimentaires avec la poussette, relate-t-elle. Je suis tombée en descendant de l’autobus et c’est mon fils qui m’a aidée à me relever. Il m’a regardée dans les yeux et m’a dit ‘Pourquoi on n’est pas restés au Mexique? Mamie aurait été là pour t’aider avec mon frère.’ Il ne comprenait pas la situation. »

L’aspect financier ajoute par ailleurs une forte pression sur le ménage. Même si Mariana a reçu sa résidence permanente et qu’elle a désormais accès à l’aide sociale, elle se rend vite compte que cette aide précieuse ne couvre que le loyer, rien de plus. Il reste les passes d’autobus, les lunchs, le service de garde et les vêtements à payer.

Femmes-Relais Saint-Michel : un tournant marquant

Retroussant ses manches et pilotant une famille monoparentale composée désormais de quatre enfants, Mariana décroche son diplôme d’études secondaires. Puis, elle est référée vers un organisme qui changera tout dans sa vie ; Femmes-Relais Saint-Michel. La mission de cet organisme communautaire est évocatrice : des femmes immigrantes en inspirent d’autres afin de les former pour qu’elles prennent le relais dans leur communauté. Le concept est né de l’idée qu’il n’y a pas meilleure alliée pour une femme immigrante qu’une autre femme immigrante intégrée, formée, déterminée et active dans sa communauté.

Au cours de la dernière année, près de 100 personnes et/ou familles
ont bénéficié des services d’accompagnement de Femmes-Relais Saint-Michel.*

L’accompagnement que la Mexicaine reçoit la pousse donc à réaliser des études au Cégep Marie-Victorin en développement communautaire et relations interculturelles. « Je voulais redonner à la communauté qui m’a si bien accueillie, dit-elle. Les organismes d’accueil font une différence incroyable. À titre d’immigrante, soit tu restes chez toi à élever tes enfants de manière isolée, soit tu sors, tu occupes un emploi et tu t’impliques tout en élevant tes enfants. C’est le chemin que j’ai choisi, grâce au soutien que j’ai reçu. Je travaille pour moi, mais je redonne aux autres. »

« Les organismes communautaires sont là pour aider, pour soutenir, pour guider. Quand tu rencontres quelqu’un qui a déjà été à ta place et qui s’en est sorti, c’est inspirant, ça donne espoir. »

Depuis 2020, Mariana est engagée par la Joujouthèque Saint-Michel pour prévenir ou diminuer les retards de développement chez les tout-petits. Elle a aussi fondé un groupe de soutien sur Facebook pour les femmes victimes de violence conjugale qui habitent à Montréal et qui sont allophones. Elle est également formatrice pour la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, en plus d’agir à titre d’intervenante et animatrice auprès des femmes qui ont vécu des violences pour l’organisme Halte-Femmes Montréal-Nord.

« Aujourd’hui, ça va beaucoup mieux, lance Mariana. J’ai trouvé un homme merveilleux qui me soutient et grâce à qui je peux m’investir dans des causes sociales qui me tiennent à cœur. Mes enfants sont épanouis et ils m’appuient dans tout ce que j’entreprends. »

Si quitter son ancienne vie lui a demandé énormément de courage, Mariana est fière du chemin parcouru. C’est son vécu qui l’a menée à consacrer sa carrière aux femmes et aux personnes demandeuses d’asile. Un travail qui fait une réelle différence.

Femmes réfugiées, demandeuses d’asile et immigrantes victimes de violence conjugale : un fléau disproportionné

Dans les 46 établissements du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, les femmes nées à l’extérieur du Canada représentent 69 % des femmes dans la région de Montréal et 51 % à Laval**.

Mariana indique qu’il y a une différence entre une personne réfugiée qui fuit la guerre et une femme qui demande l’asile pour fuir un conjoint violent. « Les femmes et les enfants ont besoin d’un soutien psychologique, déclare-t-elle. Quand tu quittes un homme que tu as aimé, ce n’est jamais vraiment fini. Parce que les pères ont des droits par rapport à leurs enfants. Les victimes de violence conjugale n’ont pas toujours de preuves tangibles. Je n’ai pas pu prouver hors de tout doute que j’ai été presque battue à mort et que j’ai failli perdre mon enfant.

Heureusement, j’ai un très bon avocat. Mais au cours de ma vie, j’ai vu trop de femmes repartir dans les bras de leur bourreau… »

*Source : rapport annuel 2022-2023 de Femmes-Relais Saint-Michel

**Selon cet article : Des immigrantes enfermées à double tour dans la violence conjugale


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