Cinq questions à Brett Pineau, directeur général du Centre d’amitié autochtone de Montréal 

Inclusion sociale
Besoins essentiels
29 septembre 2022 •  Par Centraide
Brett Pineau

Au Canada, le 30 septembre est désigné Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Elle vise à reconnaître les conséquences tragiques des pensionnats autochtones et à rendre hommage aux enfants disparus, aux survivants des pensionnats, à leurs familles et à leurs communautés.


En quête de vérité, nous sommes allés à la rencontre de Brett Pineau, directeur général du Centre d’amitié autochtone de Montréal (CAAM), un organisme appuyé par Centraide depuis 2022 qui offre des services, principalement aux personnes autochtones. L’organisme a pignon sur rue à l’intersection du boulevard Saint-Laurent et de la rue Ontario. Il est géré par un conseil d’administration composé entièrement de membres autochtones. 

La population autochtone comprend les dix Premières Nations du Québec, ainsi que les Inuits et les Métis de Montréal. Les dix Premières Nations du Québec sont les Cris, Mi’gmaqs, Naskapis, Algonquins, Montagnais, Abénakis, Mohawks, Atikamekws, Hurons et les Malécites.

Titulaire d’une maîtrise en administration des affaires (MBA), Brett Pineau dirige le CAAM depuis 2009, organisme qu’il a rejoint quatre ans auparavant en 2005. Il s’estime privilégié de desservir la population autochtone, ainsi que la communauté montréalaise, depuis presque 20 ans.

Parlez-nous du contexte dans lequel le CAAM a été créé dans les années 70? 

Le nombre de personnes autochtones qui ont migré des réserves vers les villes a été en croissance et a augmenté au cours de plusieurs décennies. À Montréal, cela s’est accentué vers le milieu des années 70. Les Autochtones y venaient pour étudier, trouver un emploi ou accéder à des services de santé spécialisés. Le centre a d’abord été créé par et pour des étudiants autochtones dans le but de faciliter leur transition vers la ville, de les orienter vers des services directs intégrés et de les accompagner dans le réseau de la santé et des services sociaux. Puis, le centre a grandi au fil des ans pour répondre à des besoins plus larges des personnes autochtones. Aujourd’hui, le centre dessert les gens dans le besoin, peu importe leur origine, leur provenance ou leur statut. Tous les Montréalais peuvent avoir accès à ses services.

Deux

Quelles sont les conséquences des pensionnats sur les personnes que vous desservez?

La création des réserves a eu un fort impact sur le mode de vie des Autochtones. Ils ont perdu leur mode de vie nomade. Le fait d’être limité à une zone géographique spécifique a entraîné une perte des activités traditionnelles de chasse et de pêche, notamment. Ceci est responsable de nombreux problèmes de santé physique, mentale et spirituelle. Bien entendu, la création de ce système a été étroitement liée à la mise en place des pensionnats. Comme vous le savez probablement, beaucoup de jeunes enfants ont été retirés de leur famille et ont perdu le contact avec leur culture. Cet éloignement de leurs racines culturelles, ainsi que l’intensité des abus dont ils ont été victimes dans les pensionnats leur ont causé des dommages considérables. Il s’agit d’un héritage de faits. Cela a provoqué beaucoup de douleur au sein des communautés autochtones, à la fois plus largement, mais aussi à un niveau individuel. Malheureusement, le cycle de l’abus s’est répété au sein de la structure familiale, en plus des dépendances et des problèmes de santé mentale que cela a causé. Les impacts ne sont donc pas seulement sur les enfants des pensionnats, mais aussi sur les membres de leur famille et sur leurs descendants. C’est ce que nous appelons les effets intergénérationnels. Malgré la fermeture des pensionnats, il y aura des effets pour des décennies à venir, malheureusement. On fait tout ce qu’on peut pour les limiter. Il y a des collaborations avec les partenaires publics, privés, communautaires et le grand public. La réponse du grand public envers les autochtones est impressionnante et encourageante.

Trois

Quels sont les services offerts par le Centre d’amitié autochtone? 

Le Centre d’amitié autochtone offre des services de base à son centre de jour : repas chauds, petits-déjeuners en libre-service, banque alimentaire, douches, accès à des ordinateurs, téléphones et télécopieurs pour rester branché à leur communauté d’origine. 1 750 personnes fréquentent le centre de jour. Notre situation géographique au cœur de Ville-Marie, à deux pas du métro Saint-Laurent est idéale pour rejoindre les personnes en situation d’itinérance, une partie importante de la clientèle du centre. En plus des services de base, le centre offre des activités cultuelles aux membres et à leur famille.

Il y a aussi la patrouille de rue qui fournit des services mobiles d’intervention. 580 personnes différentes ont bénéficié de ces services l’an dernier, dont 300 autochtones. Depuis 2021, le centre collabore avec le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) pour l’implantation d’une équipe mobile d’intervention qui patrouille conjointement avec les policiers afin de proposer des interventions culturellement adaptées aux personnes autochtones. L’équipe patrouille dans huit postes de quartiers du SPVM couvrant le centre-ville et le quartier Dorval. En réponse à un besoin exprimé par la Ville de Montréal, plus précisément sur Le Plateau-Mont-Royal, nous avons créé en 2021 une équipe de médiation autochtone. Les discussions se poursuivent pour étendre le projet et bonifier la sécurité pour tout le monde.

En collaboration avec Service Autochtones Canada, le Centre d’amitié autochtone offre des services de soutien émotionnel, affectif et culturel aux anciens élèves des pensionnats, ainsi qu’à leur famille. Trois jours par semaine, ils peuvent compter sur la présence d’un aîné autochtone mohawk de Kahnawake qui les accompagne dans un processus de guérison traditionnel, en plus des ressources professionnelles du système de santé. C’est un concept holistique qui existe depuis 10 ans.

Quatre

Quelles actions peuvent être initiées pour susciter un échange entre les personnes autochtones et non-autochtones?

Il faut débuter avec le dialogue pour consulter les Autochtones. C’est très important d’écouter leurs besoins, leurs besoins holistiques spécifiquement. Le concept de santé et de bien-être est bien différent chez les Autochtones que chez les non-Autochtones. Les collaborations et les projets doivent tenir compte de ces différences culturelles.

Cinq

Qu’est-ce que la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ouvre comme horizon?

C’est une journée très importante pour nous. C’est une étape, un geste qui reconnaît le besoin de bâtir des ponts entre les deux cultures. La création d’une journée nationale permet de sensibiliser davantage le grand public à l’histoire et à l’héritage des pensionnats, mais aussi au besoin, au désir et à la capacité de se mobiliser et de contribuer à ces efforts, quels qu’ils soient. D’un bout à l’autre du pays, des Autochtones vivent avec ou aux côtés de non-Autochtones et chacun est différent. Chaque communauté a des caractéristiques uniques et leurs besoins sont bien différents. Cette journée offre l’opportunité de réfléchir à tout ce qu’on peut faire ensemble pour vivre et s’unir comme Québécois et Québécoises, Canadiens et Canadiennes. Le Centre d’amitié autochtone est fier d’être engagé avec ses partenaires gouvernementaux et communautaires et avec la communauté montréalaise.


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